Les violences éducatives existent depuis des siècles et sont en partie un héritage de certaines traditions judéo-chrétiennes. En effet, des pratiques comme les claques sur les doigts ou les coups destinés à « corriger » et à imposer l’obéissance ont été, et restent encore souvent banalisées dans les sociétés canadienne et québécoise. Cependant, plusieurs églises chrétiennes ont pris leurs distances vis-à-vis de ces approches éducatives depuis plusieurs décennies, rejetant toute forme de violence dans l’éducation des enfants (1).
Néanmoins, dans certains milieux chrétiens évangéliques fondamentalistes, l'usage de la violence à des fins éducatives est toujours, non seulement toléré, mais promu comme une méthode légitime d'éducation. Ces pratiques, enseignées et encouragées, relèvent de véritables abus et témoignent d’un ancrage idéologique persistant. On retrouve notamment l’expression populaire de « baptistes batteurs », qui illustre le recours à la violence dans certains courants religieux prônant une discipline rigide et autoritaire.
Ce type d'approche soulève d’importantes questions éthiques et juridiques, mettant en évidence les dérives possibles de certaines doctrines éducatives lorsque celles-ci normalisent ou légitiment des pratiques violentes au nom de valeurs religieuses.
« Dans la religion baptiste, frapper les enfants, ce n'est pas encouragé, c'est enseigné ! C'est de suivre les dictas de cette religion. »
Dr Pierre Mailloux
L'Association des Églises Baptistes Évangéliques au Québec et le Réseau Évangélique du Québec
Implantée au Québec au cours des années 70, l'Association des Églises Baptistes Évangéliques au Québec (AÉBÉQ) est un acteur influent dans le milieu évangélique fondamentaliste. L'AEBEQ est non seulement une association représentant aujourd'hui 80 églises (+10 000 membres) au Québec, mais également, elle étend son influence sociale et politique depuis plus d'une dizaine d'années par la mise sur pied et la coordination du Réseau Évangélique du Québec représentant 14 regroupements d'églises évangéliques. Les deux premiers présidents du Réseau Évangélique du Québec, Gilles Lapierre et Louis Bourque, sont des ardents défenseurs des méthodes éducatives violentes.
Les violences éducatives dans son ADN
Bien que le discours se soit légèrement nuancé depuis que la Cour suprême du Canada a restreint l’application de l’article 43 du Code criminel, qui autorise l’usage de force dans l’éducation des enfants, les enseignements promouvant les violences éducatives demeurent largement présents. C’est dans ce contexte que des pasteurs, comme Claude Guillot, ont pu pratiquer et perpétuer des abus en toute impunité au sein de ces communautés religieuses.
Les violences éducatives, enseignées et promues au sein de l’AÉBÉQ, font partie intégrante de son approche depuis des décennies. Ces pratiques sont véhiculées par divers moyens :
Par ses pasteurs et dirigeants, au sein des églises et dans les maisons
Les pasteurs et dirigeants de l'AÉBÉQ diffusent des méthodes disciplinaires rigides à leurs fidèles, valorisant des pratiques de correction physique et prônant l’obéissance stricte comme une valeur centrale de l’éducation.
Par le biais de programmes d’église-école fondamentaliste
Ces programmes d’église-école, fortement inspirés par des courants fondamentalistes, inculquent aux enfants des principes d’obéissance rigoureuse et promeuvent la discipline physique comme un élément naturel de l’éducation.
Par des programmes de formation pour les dirigeants et parents, dispensés par le Séminaire Baptiste Évangélique au Québec (SEMBEQ)
De 1980 à 1992, SEMBEQ, un organisme clé de l’AÉBÉQ, a publié et distribué des livres et des enregistrements audio promouvant la violence éducative. L’un de ces auteurs, l’Américain Garry Ezzo, a développé des formations basées sur une idéologie d’extrême rigidité, valorisant des punitions physiques pour contrôler le comportement des enfants. Lors de ces formations, des sessions détaillaient les techniques précises : où frapper l’enfant, quel objet utiliser, et comment concevoir soi-même des instruments de punition, comme des bâtons, des palettes ou des courroies, parfois même disponibles à l’achat lors des conférences.
Par le biais d’organismes « de charité », faisant la promotion de ce mode d’éducation
En 1992, Garry Ezzo et des dirigeants de l’AÉBÉQ ont fondé une corporation canadienne nommée Les Services Éducatifs Familles en Croissance Internationale pour superviser les formations et distribuer des ouvrages fondés sur la méthodologie stricte de Ezzo. Bien que cette corporation ait été discrètement fermée à l’automne 2016, cette fermeture coïncide avec les excuses publiques de l’AÉBÉQ et la reconnaissance des abus perpétrés par le pasteur Claude Guillot.
Ces pratiques et philosophies éducatives se sont ainsi propagées bien au-delà des églises de l'AÉBÉQ, influençant un large éventail de milieux protestants fondamentalistes au Québec.
Sources 1 - Pièces au soutien ; Action collective c. Guillot & Als;
Sources 2 - Pièces au soutien ; Josh Seanosky c. Guillot & Als;
Sources 3 - Revue de presse